I
L’ESCADRE

A l’abri du Rocher tourmenté de Gibraltar, un ensemble assez hétéroclite de bâtiments à l’ancre tiraient sur leurs câbles, attendant l’ouragan. En dépit des traînées de ciel clair qui apparaissaient çà et là entre les fugitifs nuages, l’air était froid et rappelait bizarrement un temps que l’on rencontre plus fréquemment dans le golfe de Gascogne qu’en Méditerranée.

Compte tenu de son importance stratégique, le mouillage de Gibraltar était étrangement désert. Si l’on exceptait trois gros vaisseaux, pas un de plus, tout ce qui se trouvait là se ramenait à quelques ravitailleurs, des bricks et des goélettes qui s’étaient mis à l’abri ou attendaient leurs ordres. A l’écart du fouillis des éléments de provenance locale étaient ancrés ces trois bâtiments de ligne, des soixante-quatorze. En ce mois de janvier 1798, c’étaient encore des navires très répandus et l’on n’avait jusque-là rien trouvé de mieux pour former une ligne de bataille.

Celui qui était mouillé le plus près de terre était le Lysandre, et son nom était inscrit en travers du large tableau. Le nom allait assez bien avec la figure de proue qui se dressait, pleine de courroux, sous le boute-hors ; c’était une bien belle sculpture, qui représentait le général Spartiate, barbu, équipé d’un casque à plumet et d’une cuirasse. L’œuvre avait été réalisée par Henry Callaway, artiste de Deptford. Comme toute la coque du deux-ponts, elle était soigneusement peinte, ce qui donnait au bâtiment un certain air de jeunesse en dépit de ses onze années passées au service du roi.

Son commandant, Thomas Herrick, arpentait sa grande dunette de l’arrière à l’avant, s’arrêtant à peine de temps à autre pour observer le rivage. Lorsqu’il voyait l’état de son bâtiment, son allure générale, il éprouvait plus d’inquiétude que de fierté. Les mois passés en Angleterre pour préparer le Lysandre à prendre la mer, la besogne harassante qui consistait à le réarmer et à rassembler un maigre équipage, tout ce temps était passé sans qu’ils aient pu seulement souffler. Les rechanges et la poudre, l’eau, les vivres, et les hommes pour mettre tout cela en œuvre. Herrick s’était plus d’une fois demandé quel coup du sort avait bien pu lui valoir ce commandement.

Et pourtant, malgré les retards, malgré l’énervement causé par les gens du chantier ou les marchands, il avait vu son bâtiment se transformer progressivement pour devenir enfin un être vivant.

Les hommes étaient arrivés à bord : certains, terrorisés, ramassés par les détachements de presse. D’autres arrivés là pour des motifs aussi divers que le patriotisme ou la recherche d’un refuge qui leur permettait d’échapper à la corde. Lentement, péniblement, ils s’étaient transformés en quelque chose qui, sans être parfait, laissait quelque espoir pour le futur. Tandis qu’ils traversaient le golfe de Gascogne, en route pour le Portugal, la première tempête qu’ils avaient dû essuyer avait certes révélé au grand jour quelques faiblesses. Il y avait trop d’hommes amarinés dans une bordée, et trop de culs-terreux dans l’autre. Mais Herrick avait l’œil à tout et, grâce aux officiers-mariniers expérimentés qui formaient encore l’ossature de l’équipage, ils avaient fini par se débrouiller dans le fouillis du gréement et les masses de toile récalcitrante qui faisaient leur ordinaire à la mer.

Une fois mouillé au pied du Rocher, Herrick avait attendu ce jour avec une appréhension grandissante. D’autres bâtiments étaient arrivés et étaient mouillés à proximité. Les deux autres soixante-quatorze, l’Osiris et le Nicator, la frégate Busard et une petite corvette, la Jacinthe, avaient cessé de mener leur existence individuelle pour former un tout. Sur ordre de l’Amirauté, à Londres, ils étaient devenus une seule entité. L’escadre, au sein de laquelle le bâtiment de Herrick allait hisser le grand pennon de commodore[1], Bolitho allait incessamment venir y exercer la plénitude de son commandement, quelles que dussent être les circonstances.

Étrangement, Herrick rechignait à considérer la chose en face. Cela faisait seulement quatre mois que Bolitho et lui-même étaient revenus de cette mer, à l’issue d’un combat sanglant au cours duquel le propre bâtiment de Herrick avait sombré. Ils avaient mis en déroute ou capturé toute une escadre française. Ils s’étaient rendus ensemble à l’Amirauté, et tout cela lui semblait être un rêve, ou un très lointain souvenir du passé.

Le résultat de cette visite avait dépassé toutes leurs espérances. Pour Bolitho, promotion immédiate au rang de commodore. Pour Herrick, un poste de capitaine de pavillon. Leur amiral avait eu moins de chance : on l’avait expédié comme gouverneur d’une colonie pénitentiaire dans la Nouvelle-Galles du Sud et cette soudaine disgrâce donnait bien la mesure de ce qui sépare le pouvoir de l’oubli.

Le plaisir immense qu’avait éprouvé Herrick en devenant capitaine de pavillon de Bolitho avait pourtant été assombri par un nouveau changement d’humeur de l’Amirauté. Au lieu de lui donner le propre bâtiment de Bolitho, l’Euryale, un gros trois-ponts de cent canons qu’il avait lui-même pris aux Français, on lui avait confié le Lysandre. Il était peut-être plus facile à manœuvrer qu’un gros vaisseau de premier rang, mais Herrick soupçonnait quelque officier plus ancien que Bolitho d’avoir réclamé l’ex-français pour lui-même.

Il s’immobilisa pour contempler les ponts qui grouillaient d’activité. Des marins travaillaient sur les passavants et aux chantiers des embarcations, d’autres se balançaient loin au-dessus de sa tête dans l’enchevêtrement sombre des haubans et des étais, des drisses et des bras pour s’assurer que le nouveau commodore ne verrait à son arrivée à bord ni bout mal étarqué ni filasse de chanvre à la traîne. Les fusiliers était déjà à poste, le major Leroux y avait veillé, il n’y avait pas à se faire de souci. Il était en grande conversation avec son lieutenant, jeune homme inodore et sans saveur du nom de Nepean, tandis qu’un sergent inspectait minutieusement les tenues et les mousquets.

L’aspirant de quart devait commencer à avoir mal au bras. Comme son capitaine était là, il se croyait obligé de porter sans cesse à son œil sa lourde lunette afin de signaler sans retard le moment où le canot du commodore passerait la jetée.

Herrick se tourna pour observer les bâtiments de leur petite escadre. Il n’avait guère eu de contacts avec eux jusqu’alors, mais connaissait déjà assez bien leurs capitaines. Depuis la minuscule corvette qui découvrait sa doublure de cuivre dans la houle qui la secouait jusqu’au deux-ponts le plus proche, l’Osiris, ils semblaient unis par une sorte de lien mystérieux. Prenez le capitaine du Nicator, par exemple. Herrick avait découvert qu’il avait servi avec Bolitho pendant la guerre d’indépendance américaine au cours de laquelle ils étaient tous deux lieutenants. Le commandant Inch, dont la Jacinthe se balançait comme un ivrogne, avait commandé une galiote à bombes avec l’escadre précédente, en Méditerranée. Quant au capitaine du Busard, Raymond Javal, il n’en savait guère plus que ce que l’on en racontait : un homme impulsif, avide de gain. Il ressemblait fort au capitaine de frégate classique, maladresse comprise.

Il se concentra sur l’Osiris et essaya de dissimuler son mécontentement. L’Osiris était à peu de chose près la copie conforme du Lysandre et le capitaine Charles Farquhar le commandait d’une main ferme. Cela le ramenait si loin en arrière… On eût cru que le destin les réunissait une fois de plus pour servir sous les ordres de Richard Bolitho. Cela se passait à bord de la Phalarope, une frégate, pendant la campagne des Antilles au cours de la guerre d’indépendance. Bolitho était leur commandant, Herrick était son second et Farquhar l’un des nombreux aspirants du bord. C’était un garçon arrogant, imbu de sa naissance et qui ne manquait pas une occasion de faire sentir à Herrick la différence qui existait entre eux. Lorsqu’il regardait l’Osiris, son ressentiment empirait : les ornements de poupe et la figure de proue ruisselaient de dorures qui manifestaient de manière éclatante le statut et la fortune de son capitaine. Jusque-là, ils avaient évité de se voir, sauf lorsque Farquhar lui avait fait visite à son arrivée à Gibraltar.

Farquhar avait cependant détendu l’atmosphère de leurs retrouvailles en laissant tomber d’une voix faussement nonchalante :

— On dirait que vous n’avez pas trop fait de dépenses sur cette vieille baille, monsieur ? – et, avec ce sourire qui le rendait fou : Notre nouveau seigneur et maître ne va pas trop aimer ça, vous le savez bien !

Soudain, la ligne de sabords de la batterie basse de l’Osiris s’ouvrit et, dans un parfait mouvement d’ensemble, les trente-deux livres jaillirent comme un seul homme en plein soleil.

Herrick fut pris de panique. Farquhar ne laisserait jamais leurs mauvais souvenirs ou leur peu d’attrait mutuel mettre en péril ses ambitions. Il avait concentré son attention sur ce qui lui importait le plus et, pour l’heure, il s’agissait de l’arrivée du commodore. Lequel commodore se trouvait être Richard Bolitho, celui-là même que Herrick chérissait plus que n’importe qui au monde. Mais, se fût-il agi du diable en personne, Farquhar se serait comporté de semblable façon.

Comme pour tourner le fer dans la plaie, l’aspirant de quart cria, tout excité :

— Le canot passe le bout de la jetée, commandant !

Herrick dut se passer la langue sur les lèvres.

— Très bien, monsieur Saxby. Mes compliments au second, il peut rappeler l’équipage.

 

Richard Bolitho s’approcha des fenêtres de la grand-chambre pour observer les autres bâtiments. Malgré la solennité de l’heure, en ce jour où, pour la première fois, il était accueilli à bord de son vaisseau amiral, il avait du mal à contenir son excitation. Une envie de rire et de danser le prenait, et seul un fond de réserve naturelle l’empêchait de manifester ce qu’il ressentait.

Il se retourna : Herrick, debout près de la portière, l’observait. Des marins avaient soigneusement rangé les coffres et les caisses que l’on avait débarqués du canot et il entendait Allday, son maître d’hôtel, qui les sommait de faire attention à ce qu’ils faisaient.

— Merci, Thomas, l’accueil était parfait.

Il alla lui serrer la main en traversant le pont recouvert de toile à voile à damiers noirs et blancs. Des bruits de bottes résonnaient au-dessus de leurs têtes, les fusiliers rompaient pour retourner à leurs occupations.

Tout soulagé, Herrick lui fit un grand sourire.

— Merci, monsieur – et, lui montrant son bagage : J’espère que vous avez apporté tout ce dont vous aviez besoin, j’imagine que nous risquons de ne pas rentrer avant longtemps.

Bolitho l’examinait, l’air grave : ce visage carré, ce bon visage familier dont les yeux bleus lui étaient aussi connus que ceux d’Allday. Mais pourtant, on eût dit qu’il avait changé. Cela ne faisait pourtant que quatre mois…

Il repensa à tout ce qui s’était passé depuis leur convocation à l’Amirauté. Leurs entretiens avec ces gens, si anciens, si puissants, que l’idée d’une promotion devait leur paraître bien peu de chose, alors qu’elle signifiait tant pour lui. Lorsqu’il leur avait parlé de ses inquiétudes quant à l’état de son nouveau vaisseau amiral, il avait vu une lueur d’amusement passer dans leurs yeux.

L’amiral qui lui avait confié sa nouvelle affectation, Sir George Beauchamp, avait mis les points sur les i :

— Il va vous falloir oublier ce genre de choses, Bolitho. Un commandant doit se préoccuper de conduire son bâtiment, votre tâche à vous est bien plus excitante.

Il avait finalement pris passage à bord d’une frégate rapide qui l’avait conduit à Gibraltar après une escale dans le Tage pour déposer des dépêches destinées à l’amiral qui commandait les forces de blocus. L’amiral, comte de Saint-Vincent, lui avait accordé une audience. Il devait ce titre à la belle victoire qu’il avait remportée onze mois plus tôt. Affectueusement surnommé « le Vieux Jarvy » par la plupart de ses subordonnés quand il n’était pas là pour l’entendre, l’amiral l’avait accueilli en fanfare :

— Vous avez des ordres, suivez-les. Cela fait des mois que nous ne savons rien de ce que trament les Français. Nos espions dans les ports de la Manche nous ont rapporté que Bonaparte avait inspecté plusieurs fois la côte ; il établit son plan pour envahir l’Angleterre. (Il avait ricané.) Je pense que la médecine que je leur ai administrée devant le cap Saint-Vincent leur a appris à se méfier lorsqu’il s’agit de se battre à la mer. Bonaparte est un terrien, un stratège. Malheureusement, nous n’avons chez nous personne de son calibre. Du moins, pas pour faire la guerre sur terre.

Lorsqu’il repensait à cet entretien, il avait du mal à croire que l’amiral avait réussi à lui expliquer à fond autant de choses en aussi peu de temps. Sans cesse à la mer, il gardait malgré tout une vue magistrale de ce qui se passait dans les eaux anglaises ou en Méditerranée, meilleure que tout ce qu’en comprenaient ces grands pontes de l’Amirauté.

L’amiral l’avait raccompagné sur la dunette.

— Vous savez, lui avait-il dit tranquillement, Beauchamp est exactement le genre d’homme capable de monter cette opération. Mais il lui faut de vrais marins pour mettre ses idées en application. L’an passé, le travail de votre escadre en Méditerranée nous en a appris énormément sur les intentions des Français. Broughton, votre amiral, n’a peut-être pas bien discerné ce que cela signifiait vraiment, ou il l’a compris trop tard. Trop tard pour lui, je veux dire. (Il avait souri.) Nous devons bien peser si cela vaut la peine de renvoyer nos forces là-bas. Si nous divisons nos escadres sans motif suffisant, les Français ne tarderont pas à profiter de notre faiblesse. Mais vos ordres vous indiqueront ce que vous avez à faire. Vous seul pouvez décider de la conduite à tenir. (Nouveau petit rire.) Je voulais y envoyer Nelson, mais il est encore trop affaibli après la perte de son bras. Beauchamp vous a choisi pour aller planter cette épine dans le pied de Bonaparte. J’espère pour nous tous qu’il ne s’est pas trompé.

Et à présent qu’il se trouvait à bord de son propre vaisseau amiral, cette conversation était bien loin. Il lui avait fallu se plonger dans les documents à sa disposition pour essayer de deviner les idées d’un ennemi qui n’en manquait certes pas. Quels étaient ses plans, quels étaient ses objectifs ? Il apercevait les autres bâtiments à travers les vitres épaisses, réunis ici par le pennon qui avait été hissé en tête du grand mât lorsqu’il était monté à son bord dans le claquement des crosses de mousquets et le tintamarre des fifres et des tambours.

Et pourtant, il ne pouvait toujours pas y croire. Il ne se sentait pas si différent : il avait toujours la même impatience de prendre la mer qu’il avait éprouvée à chaque perspective de s’embarquer à bord d’un nouveau bâtiment.

Pourtant, il allait bientôt noter le changement, et sous une multitude d’aspects. Lorsque Herrick était son second, il se trouvait entre l’équipage et lui-même, jouant à la fois le rôle du lien et de l’écran. A présent, Herrick était son capitaine de pavillon et allait se trouver entre lui et les officiers, s’interposer devant sa petite escadre et le moindre matelot. Il avait cinq bâtiments en tout, regroupant environ cinq mille hommes. Voilà qui lui donnait la juste mesure de ses nouvelles responsabilités.

— Comment va le jeune Adam, demanda-t-il. Je ne l’ai pas aperçu en montant à bord.

Il vit Herrick se raidir en entendant sa question.

— J’allais précisément vous en parler, monsieur. Il est en visite chez le chirurgien – et, baissant les yeux, il ajouta : Ce n’est qu’un petit accident, mais, grâce au ciel, rien de grave.

— Dites-moi la vérité, Thomas, répliqua Bolitho. Mon neveu est-il souffrant ?

Herrick leva la tête. Ses yeux brillaient de colère.

— Une algarade stupide avec son homologue de l’Osiris, monsieur. Le sixième lieutenant lui a jeté quelque insulte au visage, ils sont descendus à terre dès que leur devoir le leur a permis et ont réglé l’affaire à leur façon.

Bolitho s’obligea à se lever et se dirigea lentement vers les grandes fenêtres de l’arrière. Il resta là à observer l’eau qui bouillonnait autour du safran.

— Un duel ?

Le seul fait de prononcer ce mot le rendait malade. C’était vraiment désespérant : le fils était-il le portrait craché de son père ? Non, il ne voulait pas y croire.

— Ce sont tous deux de chauds tempéraments – Herrick n’avait pas l’air trop convaincu de ce qu’il disait. Aucun des deux n’a été gravement blessé, encore que ce soit Adam qui ait le plus amoché son adversaire, m’est avis.

Bolitho se retourna :

— Je le verrai personnellement.

Herrick avala sa salive :

— Avec votre permission, monsieur, j’aimerais régler cette affaire moi-même.

Bolitho hocha lentement la tête : il sentait que quelque chose l’éloignait désormais de son ami.

— Mais bien sûr, Thomas. Adam Pascœ est certes mon neveu, mais il est également l’un de vos officiers.

Herrick essaya de se détendre.

— Je suis désolé de vous poser ce genre de problème alors que vous n’êtes pas à bord depuis une heure, monsieur. Dieu sait que c’est précisément ce que je souhaitais vous éviter.

— Je sais – il eut un sourire triste. J’ai été stupide de m’en mêler. J’ai déjà été capitaine de pavillon et j’ai eu assez à me plaindre d’un amiral qui se mêlait de mes affaires.

Herrick détourna les yeux, pressé de passer à autre chose.

— J’espère que tout est selon vos goûts, monsieur. Votre domestique est allé vous préparer votre repas, des matelots s’occupent d’apporter vos coffres.

— Merci, tout cela me semble parfait.

Il se tut. Cela le reprenait, ce ton froid et officiel ; il lui proposait quelque chose, il répondait oui. Alors qu’ils avaient partagé tant de choses, qu’ils se comprenaient sans mot dire.

— Pensez-vous que nous prendrons bientôt la mer, monsieur ? demanda brusquement Herrick.

— Bientôt, oui, Thomas. Demain avant midi si le vent reste favorable – il tira sa montre de son gousset et fit claquer le couvercle. Je voudrais voir mes officiers…

Il s’interrompit. Eh oui, cela aussi avait changé. Il reprit :

— Je voudrais voir mes commandants, dès que cela vous semblera faisable. Le gouverneur m’a remis un certain nombre de dépêches et, dès que je les aurai lues, je voudrais dire à l’escadre où nous en sommes.

Il lui fit un grand sourire :

— Ne faites pas cette tête-là, Thomas, c’est au moins aussi dur pour moi que pour vous !

L’espace d’un éclair, Bolitho aperçut dans les yeux de Herrick cette flamme qu’il connaissait si bien, mélange de confiance et de chaleur qui pouvait si facilement se transformer en un regard mouillé de tristesse.

— J’ai l’impression d’essayer d’enfiler des chaussures neuves, répondit Herrick en souriant, mais je ne vous laisserai pas tomber.

Et il quitta la chambre. Allday, qui attendait discrètement, arriva suivi de deux matelots qui portaient une énorme caisse. Allday examina rapidement les lieux et parut satisfait de ce qu’il voyait.

Bolitho avait du mal à se détendre. Allday était toujours semblable à lui-même et il se sentait éperdument reconnaissant. Rien ne parvenait à cacher sa rugueuse nature, pas même la vareuse toute neuve à boutons dorés, le pantalon de toile et les souliers à boucles qu’il lui avait achetés afin de manifester son nouveau statut de maître d’hôtel du commodore.

Bolitho déboucla son ceinturon et lui tendit son sabre.

— Eh bien, Allday que pensez-vous de cette baille ?

— C’est du costaud… répondit tranquillement Allday – il hésita avant de prononcer le mot : … monsieur.

Allday lui-même allait devoir apprendre à changer ses habitudes. Jusqu’ici, il ne l’avait jamais appelé autrement que « commandant ». Il s’agissait entre eux d’un arrangement tacite. Mais son nouveau rang avait changé cela aussi.

Comme s’il lisait dans ses pensées, Allday lui fit un grand sourire :

— Vous d’mande bien pardon, monsieur – il jeta un coup d’œil aux deux matelots qui les observaient d’un air amusé. Mais j’attendrai le jour où ce sera Sir Richard, ça c’est pour sûr !

Il attendit que les marins fussent partis et ajouta lentement :

— J’sais bien que vous avez envie d’être seul, monsieur. Je vais mettre votre domestique au courant de vos habitudes.

— Décidément, vous me connaissez trop bien !

Allday referma la porte derrière lui, jeta un coup d’œil glacial au fusilier raide comme une baguette qui se tenait en faction dehors, et se murmura comme à lui-même : « Et encore davantage que tu crois. »

Herrick était une fois de plus retourné sur la dunette. Il se dirigea lentement vers les filets pour examiner les autres vaisseaux. Les choses commençaient mal, et pour eux deux. Mais peut-être se faisait-il des idées, comme avec Farquhar. Encore ce dernier se fichait-il de lui comme d’une guigne. Alors, pourquoi se faisait-il autant de mauvais sang ?

Bolitho lui était apparu exactement comme il se l’était imaginé, avec cette espèce de gravité qui pouvait tourner soudain à l’exubérance de la jeunesse. Ses cheveux étaient toujours du même noir aussi profond, sa silhouette aussi mince, mais il avait gardé de sa dernière blessure cette raideur à l’épaule droite. Il compta les mois : pas loin de sept, depuis ce jour où Bolitho avait reçu une balle de mousquet. Les rides s’étaient creusées à la commissure des lèvres. La souffrance, le poids des responsabilités ? Il y avait probablement des deux.

Il aperçut l’officier de quart qui lui jetait un œil inquiet et le héla :

— Nous allons faire un signal à l’escadre, monsieur Kipling, tous les commandants à bord dès que j’en donnerai l’ordre.

Il les imaginait déjà, endossant leur plus bel uniforme, Farquhar en train de se pomponner dans ses appartements de luxe. Mais tous devaient se creuser la cervelle comme il le faisait en ce moment même. A quoi cela menait-il ? A quoi s’attendre ? Combien cela allait-il leur rapporter ?

Seul dans ses appartements, Bolitho entendait le bruit des pieds nus au-dessus de lui. Il hésita, se décida enfin à se défaire de sa veste ornée désormais d’un unique galon doré, et alla s’installer à son bureau. Il ouvrit la grosse enveloppe de toile, mais reculait encore le moment de lire toutes ces dépêches écrites d’une main très nette.

Il revoyait la tête de Herrick, son inquiétude. Ils avaient pratiquement le même âge et Herrick paraissait pourtant plus vieux. Ses cheveux châtains étaient déjà parsemés de gris, comme du grésil. Il lui était difficile de ne pas voir uniquement en lui son meilleur ami, mais aussi le capitaine de pavillon d’une escadre qui se constituait pour la première fois. La tâche était déjà rude pour n’importe qui, et pour un Thomas Herrick… Il tenta de chasser le doute qui s’emparait de lui. Herrick était parti de rien, son père n’était qu’un modeste tabellion. Mais il faisait preuve d’une honnêteté sans faille et, si l’on pouvait se fier aveuglément à lui en toute circonstance, sa probité pouvait aussi obérer son jugement.

C’était un homme capable d’obéir à tout ordre légal sans se poser de question, sans la moindre considération pour sa vie ou pour sa fortune. Mais que se passerait-il s’il devait assumer la responsabilité de l’escadre après la mort de son commodore ?

Il était étrange de songer que les précédents propriétaires du Lysandre avaient péri à Saint-Vincent. Le commodore de l’époque, George Twyford, avait été tué par l’une des premières bordées et le capitaine, John Dyke, endurait toujours un véritable martyre à l’hôpital maritime de Haslar. Il n’était même pas capable de se nourrir tout seul. Leur bâtiment leur avait pourtant survécu, à eux et à bien d’autres. Il examina la chambre impeccablement tenue, les chaises sculptées, la table d’ébène. Il les sentait presque l’observer.

Il poussa un soupir et commença à lire les dépêches.

 

Bolitho salua d’un signe de tête les cinq officiers qui se tenaient autour de la table.

— Asseyez-vous, je vous prie, messieurs.

Il les observa tandis qu’ils s’installaient en approchant leurs chaises. Les expressions trahissaient un mélange de satisfaction, d’excitation et de curiosité.

L’heure était importante, il espérait qu’ils en étaient conscients comme lui, même si chacun avait ses propres raisons.

Farquhar n’avait pas changé : toujours aussi mince, aussi élégant, il affichait l’assurance qu’il montrait déjà comme simple aspirant. A trente-deux ans, capitaine de vaisseau, il avait des yeux qui brillaient d’une ambition aussi éclatante que ses épaulettes dorées.

Francis Inch, avec son visage chevalin et allongé, avait du mal à dominer son enthousiasme. Il commandait leur corvette, qui serait vitale pour toutes les reconnaissances près de terre et devant l’escadre.

Raymond Javal, en charge de la frégate, ressemblait davantage à un Français qu’à un officier de marine anglais. Noiraud, basané, le cheveu huileux, il avait les traits si acérés que l’on ne voyait que ses yeux.

Il se tourna vers le commandant George Probyn, du Nicator, et lui fit un petit sourire de connivence. Ils servaient ensemble à bord du vieux Trojan lorsque la révolution qui devait changer la face du monde avait éclaté en Amérique. Tassé contre la table comme un aubergiste de bas étage, il s’était fait tout petit et presque invisible. Il avait peut-être un an de plus que Bolitho et avait débarqué du Trojan à peu près dans les mêmes conditions que lui, en prenant le commandement d’un briseur de blocus qu’il avait été chargé de conduire au port le plus proche. Cependant, et contrairement à Bolitho à qui la chance avait procuré là son premier commandement, Probyn s’était fait prendre par un corsaire américain et avait passé le plus clair de la guerre comme prisonnier avant de se faire échanger contre un officier français. Ses plus belles années s’étaient de ce fait écoulées pour lui sans qu’il pût rien faire et, visiblement, cela l’avait atteint au plus profond. Il semblait mal à son aise, avait une façon sournoise de jeter des coups d’œil soupçonneux à ses confrères avant de se pencher sur ses mains jouîtes.

— Tout le monde est là, monsieur, annonça cérémonieusement Herrick.

Bolitho balaya la table du regard. Il relisait dans sa tête les ordres écrits qu’il avait reçus : « Vous êtes par la présente dûment autorisé et mandaté pour appareiller avec votre escadre afin de déterminer par tous moyens convenables à votre disposition la présence éventuelle et la destination des forces considérables qui…»

— Comme vous le savez, commença-t-il lentement, l’ennemi a passé une grande partie de son temps à chercher une faille dans nos défenses. Si l’on fait exception de quelques succès que nous avons remportés à la mer, nous n’avons pas réussi à faire grand-chose pour arrêter l’expansion des Français et leur influence grandissante. A mon sens, Bonaparte n’a jamais varié, et ses intentions restent les mêmes : elles consistaient, elles consistent encore, à atteindre l’Inde et à nous interdire la libre pratique de nos routes commerciales. Suffren, l’amiral français, a été à deux doigts d’y parvenir au cours de la dernière guerre.

Il aperçut Herrick qui le regardait intensément. Sans doute revoyait-il les armées pendant lesquelles ils avaient navigué ensemble aux Antilles : ils avaient constaté tous deux la farouche détermination de leur ennemi héréditaire à regagner le terrain perdu au cours de la paix instable qui avait suivi.

— A présent, Bonaparte sait que tout retard dans ses préparatifs nous donne le temps de reprendre nos forces.

Ils firent tous les yeux ronds lorsque Inch s’écria, le visage réjoui :

— On va leur montrer ce qu’on sait faire, monsieur ! Tout comme on l’a déjà fait !

Bolitho se mit à sourire, content de voir qu’Inch, qui ignorait parfaitement de quoi il retournait, n’avait pas changé et que sa bonne humeur communicative contribuait à détendre l’atmosphère et à diminuer la distance un peu raide qui le séparait de ses commandants.

— Merci, commandant, votre enthousiasme fait plaisir à voir.

Inch s’inclina, rouge de bonheur.

— Cependant, nous n’avons pas de renseignements précis sur ce que les Français comptent faire pour commencer. Le gros de notre flotte opère à partir du Tage pour maintenir un coin enfoncé entre les Français et leurs alliés espagnols. Mais l’ennemi peut également attaquer le Portugal ; compte tenu de notre présence sur place, il risque même de tenter une fois de plus d’envahir l’Irlande.

Il avait du mal à dissimuler son amertume.

— Je vous rappelle qu’ils ont manqué le faire lorsque notre marine s’est trouvée plongée dans de si grands malheurs, lors de la mutinerie de la flotte du Nord puis à Spithead.

Farquhar jeta un coup d’œil à ses parements.

— Nous aurions dû pendre un bon millier de ces gredins plutôt qu’une poignée !

Bolitho se tourna vers lui, le regard glacial :

— Si nous avions prêté un peu plus d’attention à ce que nos marins demandaient en priorité, nous n’aurions pas eu besoin d’en punir un seul.

Farquhar leva les yeux, un léger sourire aux lèvres :

— Si vous le dites, monsieur.

Bolitho consulta brièvement ses papiers épars pour rassembler ses idées. Il avait réagi trop vite face à l’intolérance de Farquhar.

— Notre devoir, poursuivit-il, notre devoir consistera à observer les progrès des préparatifs français dans le golfe du Lion, à Toulon, à Marseille et dans tous les ports où nous découvrirons quelque activité ennemie.

L’air grave, il les examina tour à tour.

— Notre flotte arrive aux limites de ses capacités. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser l’ennemi nous contraindre à nous déployer au point qu’il serait en mesure de nous détruire tous jusqu’au dernier. D’un autre côté, nous ne pouvons nous permettre de concentrer nos forces à un bout de l’océan tandis qu’ils seraient à l’autre. Nous n’avons qu’une seule issue : les rechercher, les trouver, les contraindre enfin au combat !

— Mais, dit sèchement Javal, nous n’avons pas d’autre frégate que la mienne, monsieur.

— S’agit-il là d’un constat ou d’une récrimination ?

— D’une maladie chronique, répondit Javal en haussant les épaules.

Probyn lui jeta un regard en coin :

— Vous avez là une responsabilité écrasante. Si nous rencontrons l’ennemi, nous n’aurons aucun soutien.

— Mais du moins saurons-nous qu’il est là, mon cher George, lui répondit Farquhar du tac au tac.

— Messieurs, nous parlons de sujets graves ! intervint Herrick.

— Apparemment, répliqua brutalement Farquhar. Alors, traitons-les sérieusement !

Mais ils se tournèrent vers Bolitho qui poursuivit :

— Une chose du moins semble certaine, nous devons travailler tous ensemble. Peu importe ce que vous pouvez penser des ordres que j’ai reçus, nous devons agir en conséquence et conduire à bien notre mission.

— Bien, monsieur, fit Farquhar.

Les autres n’ajoutèrent pas un mot.

— A présent, retournez à votre bord, je vous prie, et transmettez mes ordres à vos gens. Je suis heureux de vous prier à souper ce soir.

Ils se levèrent, réfléchissant à ce qu’ils allaient dire et comment ils allaient traduire ces ordres à leur subordonnés. A l’exception d’Inch, ils ressentaient tous le même besoin que Bolitho, celui de se retrouver seuls afin de mieux se préparer à ce qui les attendait et de mettre de Tordre dans leurs idées. Mais ils n’allaient guère avoir d’occasion de se retrouver tous ensemble. Bolitho avait donc également besoin de mieux les connaître, assez bien pour que, lorsqu’un signal jaillirait à la vergue du Lysandre, ses capitaines fussent en mesure de deviner ce que voulait dire leur chef.

L’un après l’autre, ils prirent congé. Probyn resta derrière, comme Bolitho avait deviné qu’il le ferait.

— Cela fait plaisir de vous revoir, monsieur, lui dit chaleureusement Probyn. Nous avons vécu bien des choses ensemble ; j’ai appris que vous aviez connu de grands succès, vous êtes même devenu célèbre – il détourna les yeux. Quant à moi, j’ai eu moins de chance. Non que j’aie démérité, mais, sans appuis…

Il n’acheva pas sa phrase.

— Cela rend mon commandement beaucoup plus facile à exercer, répondit Bolitho en souriant, je me retrouve entouré de vieux amis…

Une fois la porte refermée, il se dirigea vers le lourd coffret d’acajou qu’il avait rapporté de Londres pour y mettre ses bouteilles de vin. C’était un objet magnifiquement travaillé ; la qualité de l’assemblage, le fini des surfaces dénotaient la main d’un maître.

Il le contemplait encore lorsque Herrick revint après avoir accompagné les commandants jusqu’à la coupée.

— Tout s’est bien passé, monsieur, soupira-t-il – il aperçut le coffret et poussa un sifflement admiratif : Dites-moi, quel bel objet !

— C’est un cadeau, répondit Bolitho avec un sourire, et un cadeau plus utile que bien d’autres, Thomas.

Tout en continuant d’admirer le coffret, Herrick poursuivit :

— Votre neveu est là, monsieur, j’ai réglé ses bêtises. Quelques petits travaux supplémentaires l’aideront à s’occuper intelligemment. Mais j’ai pensé que vous aimeriez le voir.

Et il conclut en caressant le coffret :

— Puis-je vous demander qui vous l’a offert, monsieur ?

— Mrs. Pareja, répondit Bolitho. Vous vous souvenez d’elle, naturellement ?

Il se raidit en voyant Herrick changer brusquement, comme si un voile lui était tombé sur les yeux.

— Oui, répondit-il doucement, je me souviens parfaitement.

— Mais enfin, pouvez-vous me dire ce qui se passe ?

Herrick le regarda droit dans les yeux :

— Avec tous ces bâtiments qui viennent d’arriver d’Angleterre, monsieur, il y a des bruits qui courent, des rumeurs de scandale, si vous préférez. On jase un peu partout, les gens parlent de votre rencontre avec cette dame, à Londres.

— Au nom du ciel, Thomas, voilà qui ne vous ressemble guère !

— Et c’est à cause de ces bruits, insista Herrick, que votre neveu a croisé le fer avec un autre enseigne… Une affaire d’honneur, comme ils disent.

Bolitho détourna les yeux. Et dire qu’il s’était imaginé que Pascœ se conduisait ainsi à cause de son atavisme, de son père disparu. Son père, traître et renégat.

— Merci de m’avoir prévenu.

— Il fallait bien que quelqu’un s’en charge, monsieur – ses yeux bleus s’étaient faits suppliants. Vous avez tant fait pour nous tous, je ne voudrais pas que tout cela soit abîmé à cause d’une…

— Je vous ai remercié de m’avoir prévenu, Thomas, pas pour l’opinion que vous pouvez avoir de cette dame.

Herrick ouvrit la porte :

— Je vais l’appeler, monsieur.

Et il sortit sans se retourner.

Bolitho s’assit sur le banc qui courait sous les fenêtres de poupe. Un petit bâtiment de pêche oscillait sous leur tableau. Le patron leva vers lui un visage inexpressif. Il était probablement à la solde du commandant espagnol d’Algésiras. Il notait sans doute les noms des bâtiments, quelques malheureuses bribes de renseignements qui devaient lui rapporter une poignée de piécettes.

La porte s’ouvrit, Adam Pascœ pénétra dans la chambre, sa coiffure sous le bras.

Bolitho se leva et s’approcha de lui. Adam était obligé d’écarter le bras, à cause de sa blessure aux côtes, Bolitho en souffrait pour lui. En dépit de son uniforme d’enseigne, il était toujours aussi mince que lorsque il l’avait embarqué comme aspirant.

— Bienvenue à bord, monsieur, commença le jeune homme.

Bolitho oublia soudain le poids des responsabilités, cette mauvaise querelle avec Herrick, pour ne plus voir que ce garçon qui représentait tant pour lui.

Il le serra dans ses bras.

— Tu t’es retrouvé dans de mauvais draps par ma faute, Adam. Je suis désolé que tout ceci soit arrivé à cause de moi.

— Mais je ne l’aurais pas tué, mon oncle, lui répondit Pascœ, l’air grave.

Bolitho s’écarta un peu, avec un sourire triste :

— Non, Adam, mais il aurait pu t’étendre raide. Dix-huit ans est un âge pour se lancer dans la vie, pas pour y mettre fin.

Pascœ releva une mèche sombre et haussa les épaules.

— Le commandant m’a infligé quelques travaux supplémentaires pour ma peine – il se tourna vers l’épaule de Bolitho : Comment va votre blessure, mon oncle ?

— Tout est oublié – il lui poussa un siège. Pareil pour toi, je suppose ?

Ils étaient ravis comme des conspirateurs qui viennent de monter un beau coup. Bolitho remplit deux verres de bordeaux, tout en remarquant que Pascœ avait adopté la nouvelle coiffure à la mode, sans cette natte que portaient la plupart des officiers de marine. Quelle sorte de marine, songea-t-il, quelle sorte de marine connaîtra donc mon neveu lorsque sa marque flottera en bout de vergue ?

Pascœ dégusta lentement son vin.

— On dit dans l’escadre que ce commandement aurait dû revenir à Nelson s’il n’avait perdu un bras…

Il ne termina pas, l’air interrogatif.

— Peut-être bien, répondit Bolitho en souriant.

Décidément, les secrets ne duraient guère…

— C’est un grand honneur pour vous, mon oncle, mais…

— Mais quoi donc ?

— C’est aussi une lourde responsabilité.

Herrick entra :

— Puis-je vous demander à quelle heure vous souhaitez convier les commandants, monsieur ?

Il les regardait tour à tour, étrangement ému : ils avaient beau avoir vingt ans de différence, on eût cru voir deux frères.

— Faites comme il vous semblera bon, répondit Bolitho.

Lorsque Herrick se fut retiré, Pascœ demanda :

— Il s’est passé quelque chose entre le commandant Herrick et vous, mon oncle ?

Bolitho lui prit le bras :

— Non, Adam, rien qui puisse mettre en péril notre amitié.

— Je préfère cela, répondit le jeune homme, l’air soulagé.

— Eh bien, conclut Bolitho en prenant son verre, raconte-moi ce que tu as fait depuis notre dernière rencontre.

 

Combat rapproché
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